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LE HANGAR (Inde 1999 - 2000)

LE HANGAR (Inde 1999 - 2000)
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30 janvier 2005

Introduction

Bienvenue dans le recueil "Le Hangar", écrit en partie en Inde en 1999 et 2000, en partie au retour. Voici le sommaire et l'ordre de lecture sur papier:

1. LE HANGAR: Faux départ / Le voyage en train / Le hangar / Transparences / Karma sad song / Rat yatra / Darjeeling-centre / Retour à Siliguri / New-Jalpaiguri / Sudis, Sudderstreet, Calcutta

2. LE CAHIER VERT: Le renard / La vieille pishi / Devenir paon / A la rue / Le cauchemar / Chaleur / Le turban rouge / Un canard qu'on égosille / Sur le corps de la montagne / Si loin si proche

3. MAIN BAZAR HOTEL : La fin de la route / Gare de Chennai / Aube / Main Bazar Hotel / Jours de Delhi

 

Il reste à mettre en ligne exactement 5 textes, dans Main Bazar Hotel, pour que l'ensemble du recueil soit complet. Accha hai.

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30 janvier 2005

Un canard qu'on égosille

Le canard qu'on égosille

C'est la main du joyeux drille

Crochetée sur son klaxon de rickshaw-wallah

Et qui gueule et qui fonce et trompette à tout-va

En poussant de grands gros éclats de rire

Quand bien même on frôle le pire

Dans des dérapages lamentables sur les trottoirs ;

Des chiens fuient dans le noir,

Leurs yeux sont des ronds bleus ;

J'allume une clope ou deux

Il ralentit, se calme un peu

Tousse crache se gratte les cheveux

Fait soudain l'éloge de l'Inde et de ses traditions

                                      Et tiens justement son oncle organise des excursions
30 janvier 2005

Le turban rouge

 

Le coolie pose sur son turban rouge

Trois sacs et court, sans que rien ne bouge,

Se démène chemise ouverte humaine allumette

Avec juste un nombre de roupies en tête ;

Le client agacé d'emblée le talonne de près

Visiblement le Maître est très pressé

Les jambes maigres le pas faussé

 Les pieds plats même pas chaussés

Battent durement, battent durement

Le quai Regard fixe Voix qui tempête

Quand devant lui quelqu'un s'arrête,

Sa nuque raide plonge dans son turban rouge

Il court mais jamais rien ne bouge.

30 janvier 2005

Aube

Des sirènes au loin, doucement

 

L'air sent l'épice froide, la veille et les fleurs

              et la poussière mélangées

Le piéton ne se sent pas encore en danger

 

C'est l'heure où l'heure serpente et sent,

Où tintent les clochettes, brûlent les encens,

Où des pieds nus portant

      des rails de fumée

Frôlent sans un mouvement

      les dortoirs abîmés

 

Sur le trottoir d'en face

Un corbeau affamé

Ouvre un bec alarmé

   et croasse

 

Moi, je suis en suspens

J'attends

Mes ailes sont repliées

30 janvier 2005

Main Bazar Hotel

Assis en tailleur

Sur un lit rachitique

La pensée qui s'applique

Rongée par l'ailleurs

Le lieu d'où l'on se trouve

Murs décrépis

Climatiseur pourri, anémique

Occupé par une armée de moustiques

Bien en dépit

De la fatigue, que l'on éprouve

 

Crachats de feuilles

De bétel pourpre mollement mâchées

Vers la télé bêtement perchée

Seule au-dessus du seuil –

Cafards hardis, que l'on réprouve

 

Le jour pèse

Comme un cadeau qu'on ne veut pas

Chaleur moite, rue folle à deux pas

L'immobilité apaise –

A la fenêtre

Les éternelles corneilles, qui désapprouvent

Quoi qu'il se fasse, quoi qu'on croie

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30 janvier 2005

Si loin si proche

Si loin si proche

Lorsque le point du jour s'accroche

Au chant poignant des mosquées

 

Et que s'éveillent les oiseaux,

Les déjeuners, puis les bêtes des bosquets,

Ces déjeuners graisseux dans des cônes de journaux –

Les derniers rats d'hier faux courent s'embusquer ;

 

Klaxons –

                 Les rives toxiques des canaux

Recueillent déjà las des tonnes de buffles d'eau

Empâtés de boue noire, d'insectes Corbeaux –

Et tout tourne dans ma tête qui claque comme un radeau

A la surface des choses ;

 

Des hommes aussi marchent vers la rivière

La bouche débordante de prières

L'atteignent, se trempent dans un flot moisi

D'eau verte que le Sacré saisit

A pleines mains J'écoute les cloches sonner

Le parfum des cloches comme un chapeau

De sons lourds et d'encens qui rend sourd

 

Ma tête claque à la surface du jour

30 janvier 2005

La fin de la route

La fin de la route

Le bout du monde

Un océan d'écume gronde

De rondes vagues, et puis plus rien

 

Le bruit de l'océan indien

Des tas de sable sale où le vent vient

Assécher l'herbe longue noire

Que le soleil brûle de méchante gloire ;

Rien d'autre –

Une route coupée

Une ligne d'arbres

Et puis plus rien,

Rien d'autre –

 

Le vide de l'horizon

30 janvier 2005

La vieille pishi

La vieille pishi suit son chemin

Le long de l'ombre longue d'un fil

Electrique –

                    Les pinces de ses mains

Serrent des bouts de frusques

Archaïques

 

Un bras recroquevillé

Comme une aile chevillée

A une branche pliée

Et le haut de son corps file parallèle au sol

Fragile quand le soir tombe

Seule quand le soleil plombe

 

L'air cloué coule stoïque

Je m'égoutte de l'ombre du fil

Sur la ligne électrique

      des toits

De qui es-tu la mémoire

O vieille pishi au dos rond

Qui ne voit plus que le bas des choses ?

 

29 janvier 2005

Chaleur

 

 

Terres rouges Termitières

Cocotiers hérissés de feuilles dentelées

Insensibles tranchent haut dans le ciel ciselé ;

  

Des ronces brunes se mêlent en longs barbelés, 

En serpents d'air brûlant, qui vont s'écouler

Sous les paupières ;

 

Respirant comme pour boire, d'un pas bien nivelé, 

 Un chien jaune me suit à prudentes foulées

Parmi les pierres

Tourbillons de poussière

Une femme à vélo, surchargée de plastiques,

De bidons accrochés par grappes trop lumineuses

 File sur la route un tracé lunatique

                                      Sa course dans le mirage s'envole sinueuse
29 janvier 2005

Le Hangar

 

Des boites à air tubent des cubes de vide

Des machines grondent pénibles leurs gueules avides

menacent étouffées dans un hangar obscur

les petites mains brunes qui s'épuisent saturent –

 

Lui surveille le travail des autres et des machines

Lui redresse des clous tordus courbe l'échine

Lui fume une Gold Flake, dans l'ombre et lui aussi

économise pour aller en juillet à Puri

tirer le char de la statue noire sévère

du Créateur Immense de notre Univers,

qui sculpta la terre et tout ce qu'il y a dessus,

les hommes les Indiens Howrah et la rue

la sueur qui goutte chaude sur la terre battue

les cratères de poussière, celle qui est suspendue

dans l'atmosphère,

celle qui est descendue

sous les pieds nus,

et celle qui serre,

écrase et celle qui tue. 

29 janvier 2005

le voyage en train

Des rizières des rizières encore des rizières

A perte de vue

Des paysans sombres penchés sur leurs charrues

La tête roulée dans des turbans de misère

Ils lèvent une main au ciel

-La gauche, non pas celle

qui tient un biri de poussière-

Au passage cahin-cohue

Du train grincheux bondé vermoulu

Mes mains ouvertes attrapent l'air de notre course.

29 janvier 2005

Transparences

Le train le soleil qui tape

Le bonheur d'être là en sourdine

En sourdine, en rizières, en comptines

En platines et en soupapes ;

 

Aussi,

                             L'envie de piquer une crise

De serrer l'humanité dans mes bras

L'humanité est là

C'est celle d'ici qui se bat

 

Les autres s'inhumanisent

29 janvier 2005

Sur le corps de la montagne

Des regards partout

moqueurs curieux filous

Une petite fille sur mes genoux

Une route qui tourne et se découd

de cols en lacets, cherchant Katmandou

sur le corps de la montagne ;

 

Un moteur qui peine une roue qui crève

Tout le monde debout même le soleil se lève

derrière un petit temple hindou ;

Mon cœur s'éveille se soulève

descend du bus regarder la roue

boire du thé et regarder la roue

tandis que montent la joie la sève

et que l'aube frivole joue

sur le corps de la montagne

29 janvier 2005

Sudis, Sudderstreet, calcutta

Accroupi presque sous le taxi noir et jaune, Sudis fait courir la flamme de son briquet le long d'une cigarette, afin d'en sécher le tabac. Saisissant la clope entre trois doigts, il la presse et la tourne doucement, la vide de son contenu qui tombe dans le creux de sa main gauche. Suit alors un tri minutieux, au terme duquel se voient exclus les agents de texture et de saveur plus clairs, pour ne conserver que le tabac brut. Au-dessus de ça, il réduit en une grossière poussière la ganja qu'il cache sous sa chemise, et malaxe le tout longuement avec son pouce droit, dans le creuset formé de son autre main. Il termine le bricolage de la clope, en enlève le filtre blanc du bout des dents et le remplace par un petit rouleau de carton. L'opération la plus délicate est la dernière : replacer le mélange dans le corps de la cigarette sans en perdre une miette.

Ceci accompli, Sudis se dirige d'un pas chaloupé vers le Tchaï Shop, remonte nonchalamment le bandeau rouge qui lui traverse le front ; il s'installe là-bas avec un thé brûlant, sur ces marches rongées qui surplombent le caniveau, et fume assis sur ses talons en observant l'agitation furieuse de cette rue qu'il ne connaît que trop, Sudderstreet, Calcutta.

29 janvier 2005

Karma Sad Song

Coucher de soleil

Plage d'Auroville, Tamil Nadu

Un jeune Indien s'arrête non loin de nous

Ses yeux cherchent quelque chose

Dans l'avalanche d'un ciel gris giflé de rose

Un vent léger joue avec les manches

Courtes vides de sa chemise blanche

Quelle cruauté

29 janvier 2005

Jours de Delhi

Sur son visage déconfit je vois toute joie mourir

Couler s'engluer jusqu'au bout de son menton

Ses bras touchent bientôt le bas de son pantalon

Sa moustache semble en pendre de douleur

Rarement telle déception n'a tant frappé son cœur

Je ne veux rien acheter, juste demander l'heure

 

Jours de Delhi

Ce soir un taxi miteux me conduit jusqu'à l'aéroport

Eblouissant de lumières climatisées

Et ça y est, tout ça, de ma vie,

Déjà dehors –

 

Contempler Delhi du haut de la bruine

Plus tard bien plus tard,

Hors de la mousson par une fenêtre ronde

Hors de la mousson, par une fenêtre ronde –

29 janvier 2005

Devenir paon

 

Des affiches gigantesques

Qui vantent une vie meilleure

Vous n'êtes pas à l'abri de devenir riche

Comme né corbeau je ne suis pas à l'abri

De devenir paon

29 janvier 2005

Danse de Shiva (le cauchemar)

 

Il danse, il danse dans l'atmosphère,

Sa flûte embrasse et brasse l'air

Et tourne, et tourne solitaire,

L'écho de ses grelots

Résonne sur les pierres

29 janvier 2005

Faux départ

 

Vers une heure du matin un train s'arrête, ce n'est pas le bon. Il déverse sur le quai une confusion incroyable de couleurs, de cris et de bousculades.

Des hommes vendent de tout en hurlant.

 

(Plus tard).

Le calme retombe comme une plume.

Un thé argileux brûle la main, la bouche, l'estomac qui se crispe. On décapite plus loin des noix de coco vertes à grands coups de machettes rouillées, sous le regard vitreux d'un chien que dissout vivant une effroyable maladie de peau ; il est gris et filiforme, presque fantôme sous les néons blafards. La nuit, les lucioles hésitantes reviennent et emplissent à nouveau les silences.  

 

(Plus tard).

 Le visage touffu d'un soldat sikh s'allonge sous son gros turban rond, ses paupières battent des ailes de papillons. Derrière lui, des silhouettes furtives s'accroupissent autour d'un point rouge fumant, qui passe de l'un à l'autre dans des bruits de souffles. Le ciel est clair, tout vibre en choeur. Une brise inattendue caresse les joues. Alors des insectes délirants se précipitent et grincent sur les quais.

29 janvier 2005

Darjeeling centre

La ville bouillonne jusqu'entre ces montagnes !

Des milliers de têtes nues dans des petites rues

Vont et viennent et stagnent et parlent et regagnent

Des maisons sales, collées à des pentes ventrues ;

On en oublierait presque les hautes montagnes,

Les champs de thé dans les nuages, à perte de vue –

Un homme sombre, sorti d'un invisible bagne

Marche abattu, les yeux au sol, maigre, imprévu –

 

- Auprès des bus tôlés qui défient les sommets,

(Moteurs asthmatiques et pop stars de Bombay)

On se presse dans une grange aux murs décimés,

Une boucherie – Noire de suie de clients imbibée

De chairs contre des poutres, que lorgnent les corbeaux,

Violemment crochetées, et maintenant découpées

Dans une cohue étrange d'argent et de couteaux –  

A la porte, où se trame un commerce de morceaux,

Un mendiant estropié gît tel un rescapé ;

Sa voix sèche claque comme des petits coups de ciseaux,

Des verres épais de ses lunettes s'échapper

Est une souffrance – Autour, ouvrant des becs d'oiseaux,

Les montagnes se plument de brumes râpées ;

 

Un détour de chemin et la foule s'empêtre

Dans des échoppes frêles, noyées par les encens

Des femmes brûlent du maïs, et leurs gestes champêtres

Tracent dans les fumées des symboles savants

 

Dans ma poitrine, je sens

Doucement battre l'Etre

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